La diversification des cultures, une thématique centrale de l’agroécologie
La notion de diversité, de diversification est vraiment au centre de l’agroécologie. Ce sont des pratiques qui vont montrer les bénéfices de la biodiversité, pour substituer des intrants de synthèse, aller vers la réduction des produits phytosanitaires.
- Diversifier les cultures d’hiver en développant la culture des légumineuses qui nourrissent la terre en azote, et réduire les cultures d’été
- Planter des arbres et remettre au centre de l’agriculture l’utilisation des ressources naturelles, qui limiterait l’utilisation d’intrants
- Diversifier l’élevage
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L’accompagnement des agriculteurs pour une transition soutenable
La diversification des cultures et de l’élevage constitue un changement conséquent des pratiques agricoles. Afin que la transition se passe au mieux pour les agriculteurs, il est nécessaire de leur apporter un soutien.
- Les PSE – Paiement pour services environnementaux
Mis en place par le Ministère de la transition écologique et les Agences de l’eau, ce dispositif d’aides rémunère les services environnementaux rendus par les agriculteurs et incite à la performance environnementale des systèmes d’exploitation agricole. Il contribue ainsi directement à la transition agro-écologique des exploitations. - La formation
L’implication des Chambres d’Agriculture, les échanges d’expérience, la nécessité de formations techniques. Laurence Rival , Viticultrice – Château Singleyrac, a bénéficié de formations délivrées par la Chambre d’Agriculture. Ses échanges avec d’autres agriculteurs lui ont permis de stopper l’utilisation du glyphosate. Bénédicte Bosselut, présidente de la Cave de Sigoulès, et Jean-Philippe Granger, Éleveur et producteur de céréales, Président Chambre d’agriculture Dordogne témoignent aussi sur le sujet.
L’agroécologie comme changement structurel
De la production à la consommation, le secteur agricole implique et touche de nombreux acteurs. Les changements concernent toutes les parties.
Marie-Monique Robin met en avant la nécessité d’un changement de modèle global. Le modèle agricole productiviste et industriel dépend en grande partie des énergies fossiles, elles-mêmes participant au dérèglement climatique. Or, un changement structurel permettrait de mettre en place une agriculture qui, au lieu d’émettre du carbone, en capterait. Thomas Nesme, Ingénieur agronome – Professeur à Bordeaux Sciences Agro rappelle que les objectifs fixés par certains accords, comme ceux de Paris, ne pourront être atteints que par un changement structurel, qui “aura des conséquences sur la production alimentaire”.
L’implication du consommateur est également nécessaire. Jean-Philippe Granger rappelle que quelqu’un doit consommer et acheter les productions. L’éleveur met de plus en exergue la nécessaire réorientation des politiques publiques pour trouver un équilibre entre une production capable de nourrir l’ensemble de la population et les enjeux environnementaux.
Des obstacles à la transition agricole
- Un frein psychologique – Les exploitants héritent de modèles de pratique et gestion agricoles qu’ils tendent à perpétuer. L’avènement d’un nouveau modèle peut être perçu comme une rupture.
- L’aversion au risque – Faire confiance à la nature est une prise de risque et certains agriculteurs, souvent pour des raisons économiques, ne sont pas prêts à s’y engager
- Des freins techniques – L’utilisation d’outils mécaniques pour remplacer les produits phytosanitaires est plus complexe et rend au territoire ses caractéristiques propres, parfois difficiles à gérer.
La Nouvelle-Aquitaine, moteur de la transition agricole
La région Nouvelle-Aquitaine s’est grandement investie dans cette évolution.
- NEOCOOP propose aux coopératives agricoles d’accélérer leur transition agroécologique par un parcours complet d’une durée de 11 mois.
- NEO TERRA a pour objectifs de sortir des pesticides de synthèse à l’horizon 2030, et d’avoir 80% des exploitations certifiées Bio HVE.
- D’autres dispositifs sont déclinés par filière : le pacte alimentaire pour la restauration dans les lycées, le pacte régional pour l’agriculture biologique, un éco-conditionnement des dispositifs du second pilier de la PAC dont la Région est en charge, etc.
Table ronde « Expérience & dispositifs d’accompagnement en Nouvelle-Aquitaine » animée par Laurent Augier (Agri Sud-Ouest Innovation) et Isabelle Frison-Masse (ADI Nouvelle-Aquitaine), avec Ambre Nelet (Région Nouvelle-Aquitaine), Bénédicte Bosselut (cave de Sigoulès), Aymeric Molin (Elicit Plant) et Antoine Goubin (Région Nouvelle-Aquitaine)
- Mise en place du fonds de garantie Alter’NA
- Le Partenariat Européen pour l’Innovation – PEI pousse des groupes d’agriculteurs partageant une même problématique à s’associer afin de les mettre en lien, ensuite, avec les institutions techniques pouvant les aider.
- Le projet VitiREV, fédère les acteurs des territoires viticoles pour accélérer la sortie des pesticides en intégrant des pratiques agroécologiques.
Par ailleurs, le pôle de compétitivité Agri Sud-Ouest Innovation favorise l’émergence d’un tissu d’acteurs industriels et agricoles fournissant des solutions de transition vers l’agroécologie. Objectif : diminuer l’usage des pesticides classiques, et d’utiliser des solutions de biocontrôle.
« Expérience & dispositifs d’accompagnement en Nouvelle-Aquitaine »
Deux exemples néo-aquitains de transition vers l’agroécologie
La cave de Sigoulès – Elle s’est engagée pour une viticulture durable en participant dès 2010 au référentiel Agri Confiance sur la gestion de l’environnement sur les exploitations. C’est l’une des 9 coopératives agricoles de la région Nouvelle-Aquitaine entrées dans le dispositif Neo Coop. 308 hectares certifiés HVE 3 (Haute Valeur Environnementale Niveau 3), validés par la FNORS (Fédération Nationale des Observatoires Régionaux de la Santé).
Elicit Plant – Aidée dans le cadre de VitiREV, cette start’up s’inspire des réactions des plantes à différents environnements pour développer des solutions à destination des agriculteurs.
Développer un « Projet Alimentaire Territorial »
La transition vers l’agroécologie doit être pensée en comprenant les questions alimentaires et le rôle des consommateurs. Mais qui possède la compétence de la politique alimentaire ?
Alimentation et comportement des consommateurs sont de véritables enjeux pour les territoires. Pour Arnaud Bourgeois, éleveur de races anciennes, il faudrait territorialiser les questions alimentaires.
Les collectivités locales se sont emparées de ces considérations, ce qui a donné lieu en 2014 à l’inscription du Projet Alimentaire Territorial dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. L’objectif des PAT : remettre les acteurs autour de la table du système alimentaire, pour porter un projet de développement durable du territoire à partir de l’agriculture et de l’alimentation. Aujourd’hui, il y a environ 380 PAT en France, labellisés par le Ministère de l’Agriculture. Nathalie Corade, Maître de Conférences à Bordeaux Science Agro évoque la méthode des PAT, ses enjeux, acteurs et caractéristiques
Approche économique : Développer un « Projet Alimentaire Territorial »
La robotique, facilitatrice de la transition agricole
La transition vers l’agroécologie est un terreau fertile pour l’innovation. La robotique et les datas se sont emparés des questions environnementales en proposant des solutions aux agriculteurs :
- Répondre aux enjeux environnementaux – Les robots peuvent être un moyen de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires pour désherber, en le faisant de façon mécanique.
- Pallier la pénibilité du travail – L’autonomie du système robotique permet de réduire l’intervention humaine : on parle de cobotique.
Défis et obstacles :
- Fragilité des produits
- Nécessité d’adapter les robots dans le cadre de leur manipulation
- Questions de navigation en autonomie
- Aléas météorologiques
Co-construction / Pluridisciplinarité : 2 exemples
Le projet PEAD (Perception Et binage autonome des cultures en Agriculture Durable), lauréat du Challenge Rose. L’équipe universitaire avec un consortium de 3 partenaires devait réaliser un désherbage mécanique de l’inter-rang de 5 cm (cultures de maïs et de haricots). Le projet a montré la nécessité de co-construire les solutions de demain avec l’ensemble des acteurs de la filière agricole et ceux qui gravitent autour.
TITEC (Transfert innovation et technologies), plateforme de test de robotisation pour la filière fruits et légumes. TITEC permet l’accompagnement des équipes techniques dans l’élaboration et la réalisation de projets en agroéquipement, de la conception à la formation. Cet accompagnement, fondé sur un travail collaboratif, a pour objectif de limiter l’usage des produits phytosanitaires et de réduire la pénibilité des métiers agricoles afin de les rendre plus attractifs.
Quelques exemples d'entreprises néo-aquitaines de la robotique
- Rhoban et Vitirover ont, chacune, créé des véhicules légers permettant de se passer d’un désherbage avec produits phytosanitaires.
- Telespazio a mis en place une application capable de détecter les adventices grâce à des images prises par un drone.
- Ekylibre travaille à la gestion d’exploitation et des coûts de la traçabilité.
- NetCarbon utilise des images permettant de mesurer la captation de carbone, et propose des scénarios aux agriculteurs afin de l’améliorer.
- Agralis a développé une sonde capable de mesurer le degré d’humidité.
- Vegetalsignals a créé un moyen de mesurer les signaux électriques des plantes pour saisir leur état hydrique.
La fresque des solutions
Ressources complémentaires
- « Ylan de Keating, maraîcher à l’heure de l’agroécologie » – Le Monde, 15/11/2022
- « Dordogne : la transformation de l’agriculture en question » – Sud-Ouest, 23/11/2022
- « Agroécologie : un long parcours de conversion » – Région Nouvelle-Aquitaine, 20/02/2023